Art et feldenkrais
Art et méthode Feldenkrais
Une vertèbre est-elle une oeuvre d'art ? Une vrai vertèbre, sculptée par la nature, vivante (bien sur vos os sont vivants) ou le dessin d'une vertèbre ? Peu importe, mais si vous en avez l'occasion, observez une vertèbre attentivement, sous différents angles, faites la tourner entre vos doigts, suivez ses courbes arrondies qui circulent harmonieusement, qui se confondent les unes les autres... |
Parfois, vers la fin d'un cours, j'observe mes élèves en train bouger, qu'il s'agisse de rouler, de s'asseoir ou de n'importe quel mouvement correspondant au thème du jour, et je suis ému. Il ne s'agit pas de danse ni de spectacle, simplement mes élèves qui bougent avec harmonie et plaisir, des êtres humains aux mouvements déliés, confortables, qui bougent pour le simple plaisir de bouger, sans aucun autre objectif, tel que le feraient de jeunes enfants qui viennent de s'approprier un nouveau geste qui les rend plus autonome. Chacun, chacune, selon ses moyens, trouve le chemin le plus juste et y prend beaucoup de plaisir, et moi aussi, ces jours-là, en tant que spectateur, j'éprouve beaucoup de plaisir.
Je ne crois pas que ces instants précieux fassent de la méthode Feldenkrais un art, mais, immanquablement, cette appropriation de notre corps en mouvement peut nous aider à mieux jouer de la musique, peindre, jouer la comédie, sculpter...
A propos de sculpter, il me vient à l'esprit une scène assez ancienne mais qui m'a marquée. C'était pendant la première année de ma formation à la méthode Feldenkrais, l'une des premières leçons consacrée à l'enseignement des séances individuelles, Intégrations fonctionnelles en jargon Feldenkrais. C'était au stade Français, dans la grande salle de judo. Au mur, il devait y avoir la fameuse photo de Moshé Feldenkrais et Jigoro kano, l'inventeur du judo, côte à côte. Nous avions enlevé quatre tatamis du milieu du gymnase pour installer une table Feldenkrais. Angèle di Benedetto, enseignante américaine, nous faisait une démonstration : une élève était allongée sur la table, Angèle posait juste ses mains sur l'élève, en nous expliquant avec humour que "Dieu" avait organisé notre squelette avec des creux, des arrondis, et même un tas de "petites manettes", tels nos épines dorsales, pour que les praticiens Feldenkrais puissent donner des indications de mouvements claires à leurs élèves. Chaque mouvement proposé à l'élève se répercutait plus ou moins, longitudinalement, en diagonale, loin, près ... Angèle n'avait qu'à suivre et déplacer ses mains de point en point, où à chaque fois elle trouvait une position juste, confortable aussi bien pour elle que pour l'élève, le poing fermé ou ouvert, avec deux doigts ou toute la paume. Cette scène magique a eu lieu il y a environ vingt-cinq ans, je ne me rappelle bien sûr pas des détails, je me rappelle de l'émotion dans la salle, je crois que ce jour-là, la leçon d'Angèle était de l'art.